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Il fait un temps affreux depuis le lever du jour. On dirait qu’une force surnaturelle remue la terre, en extrait toute la boue emmagasin?e dans ses entrailles et la vomit sur le sol gluant. Le ciel, couvert, est d’une couleur terne et les nuages bas rampent au ras des toits. Les pi?tons s’embourbent profond?ment. De la boue, partout de la boue, toujours de la boue, encore de la boue ! Toute la ville de Propadinsk
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semble vouloir se dissoudre en ce marais boueux. C’est comme si le ciel e?t absorb? toutes les eaux sales de la ville pour les r?pandre ? flots dans les rues. ー C’est d?go?tant ! fit Bachka de sa voix cuivr?e en regardant la rue ? travers les carreaux embu?s du cabaret. Dehors tout se noie dans un brouillard ?pais. Des flocons de neige fondent dans l’air et tombent doucement sur le sol en le d?trempant de plus en plus. En un instant la neige coll?e aux vitres intercepte le jour et plonge le cabaret dans une p?nombre. ー Voil? ce que le bon Dieu nous envoie, dit sur un ton tranquille le patron de Plevna, un gros moujik, le visage trou? de petite v?role, v?tu d’un veston de velours. Il se nommait Ivan Vassilievitch, mais souvent, par col?re, ses clients l’appelaient plus bri?vement Vanka Ca?n.4
ー Hein, Bachka ! qu’en dis-tu ? En voil?-t-il une affaire ! Bachka ne r?pondit pas au cabaretier. Il tendit ses longues jambes en avant, d?couvrant ainsi ses chaussures ?cul?es, d?bris de vieilles bottes veuves de leurs tiges. S’accoudant sur son bras velu, il laissa retomber sa t?te sur sa poitrine. Et l’on put apercevoir quelques cheveux blancs parmi les boucles ch?taines de sa lourde chevelure embroussaill?e. Ses v?tements r?p?s ne pouvaient plus supporter les r?parations. Sa redingote graisseuse, taill?e ? l’ancienne mode, avec manches ?troites et large collet, ?tait d?chir?e sur toutes les coutures. Et son pantalon de drap gris, montrant la trame, mena?ait de se s?parer de lui en d?pit des larges pi?ces cousues aux genoux. Ce costume lamentable pr?occupe fort peu, d’ailleurs, notre h?ros. Depuis son lever une autre pens?e l’obs?de : se procurer le petit verre dont il ?prouve si grand besoin par ce lendemain d’ivresse. Son c?ur se contracte comme sous la morsure d’une sangsue lui tirant le sang goutte ? goutte. Un insupportable malaise envahit ce corps d’athl?te, p?n?tre ses os et ses muscles. Cette id?e fixe ne quitte plus son cerveau. Un brouillard d’ennui voile sa large figure carr?e, barbe massive, sourcils ?pais, nez aplati. Seuls ses petits yeux gris p?tillent de convoitise. ー Le diable ne m’enverra personne ! marmonne-t-il en regardant la porte qui s’ouvre et se referme sans cesse ! Quel sale temps ! Pour ?viter la neige beaucoup de gens entrent au cabaret de Plevna. Mais ce ne sont qu’inconnus : cochers, vieux soldats, paysans du march?, ouvriers. Tous, en entrant, font sur le parquet de larges flaques de neige fondue. Secouant leurs bonnets couverts de flocons, ils s’avancent en jurant vers le comptoir. Le cabaretier suffit ? peine ? ces nombreux clients. Il remplit minutieusement les petits verres et ne pose plus l’?norme bonbonne qu’il tient ? deux mains. Le nectar d?licieux diminue ? vue d’?il par suite de ces nombreuses tourn?es. Des ≪ heins ≫ de satisfaction sortent des robustes poitrines et emplissent la salle ; les gros sous pleuvent sur le comptoir. Et Vanka Ca?n tr?ne ? son poste tel un chef d’orchestre ? son pupitre. ー Quel froid ! s’exclame un cocher, gaillard solide, tandis qu’il s’approche du comptoir et cherche sa bourse sous le pan de sa houppelande. Puis, les yeux ferm?s, il engloutit son petit verre, d’un trait. Plein d’envie, Bachka fait des efforts sur lui-m?me et se d?tourne avec d?pit de cette sc?ne ?mouvante. Ce qui ne l’emp?che pas de deviner le baume de l’alcool en la poitrine de ces heureux. ー Dire qu’il ne pensera pas ? m’offrir un petit verre, continue-t-il ? songer am?rement, ー rien qu’un petit verre pour me remettre ! Et le c?ur de Bachka se gonfle de haine contre l’h?te, oubliant l’ivresse de la veille. ー Ah ! quelle face d’?cumoire !... ce ladre de Ca?n !.. Il sait pourtant que je le lui payerai plus tard... Pouah ! Satan, va !... Et pour comble d’ennui, pas un ami ce matin !... que font-ils donc ?... Ni Ckocklik, ni Kornilytch, ni Trouba... personne !... Plac? au centre de la ville, en une impasse donnant sur le march? au bl?, Plevna est le cabaret privil?gi? de Propadinsk. Il se compose, outre le vestibule, d’une grande salle mal ?clair?e avec, au fond, le comptoir du patron. Derri?re, une petite porte acc?de ? deux autres pi?ces plus petites et r?serv?es aux habitu?s. Ceux-ci s’arr?tent rarement au comptoir et ne font que traverser la grande salle pour se rendre l? o? ils sont chez eux. Dans le cabaret proprement dit se pressent les clients de passage qui, apr?s avoir bu, vont prendre place sur le large banc malpropre, le long du mur, o? ils mangent ? leur aise le morceau de pain qu’ils apportent. En ce moment, seule la grande salle est occup?e. Parmi le brouhaha et le continuel va et vient, l’oreille de Bachka per?oit dans le vestibule un l?ger bruit... Ces pas press?s lui sont bien connus... C’est Kornilytch qui arrive enfin.画面が切り替わりますので、しばらくお待ち下さい。※ご購入は、楽天kobo商品ページからお願いします。
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